La propriété foncière en milieu rural est un sujet complexe qui soulève de nombreuses questions juridiques, économiques et sociales. Cet article se propose d’aborder les différents aspects de la propriété foncière rurale, en tant qu’avocat spécialisé dans ce domaine, afin d’aider les lecteurs à mieux comprendre les enjeux et les réglementations qui encadrent cette question cruciale pour le développement durable des territoires ruraux.
Le contexte juridique de la propriété foncière en milieu rural
En France, la législation relative à la propriété foncière rurale est principalement régie par le Code rural et de la pêche maritime. Ce code a pour objet de définir les droits et obligations des propriétaires de terres agricoles et forestières, ainsi que les règles relatives à l’aménagement, l’exploitation, la protection et la transmission du patrimoine foncier rural.
Les principales lois qui encadrent la propriété foncière rurale sont notamment la loi d’orientation agricole (LOA) de 1960, qui a instauré le statut du fermage et prévoit des dispositions spécifiques pour assurer la sécurité juridique des exploitants agricoles locataires ; la loi sur le développement des territoires ruraux (LDTR) de 2005, qui vise à favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs et à préserver les espaces naturels et agricoles ; ainsi que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, qui renforce les mécanismes de protection des terres agricoles contre l’artificialisation et l’accaparement foncier.
Les enjeux économiques et sociaux de la propriété foncière en milieu rural
La question de la propriété foncière en milieu rural revêt une importance majeure pour le développement économique et social des territoires ruraux. En effet, l’accès à la terre est un préalable indispensable pour exercer une activité agricole ou forestière, générer des revenus et contribuer à la création d’emplois locaux. Par ailleurs, le maintien d’un tissu dense et diversifié d’exploitations agricoles est essentiel pour préserver les paysages ruraux, les ressources naturelles (eau, sols, biodiversité) et les services écosystémiques qu’ils fournissent (production alimentaire, séquestration du carbone, régulation du climat).
Toutefois, la concentration et la financiarisation de la propriété foncière rurale constituent aujourd’hui des défis majeurs pour le maintien d’une agriculture familiale et durable. En effet, selon le rapport de l’Observatoire national de l’artificialisation des sols publié en 2020, près de 50% des terres agricoles en France appartiennent désormais à moins de 10% des propriétaires fonciers. Cette situation entraîne une hausse des prix du foncier agricole, qui rend l’accès à la terre difficile pour les jeunes agriculteurs et favorise l’extension des grandes exploitations intensives au détriment des petites structures plus respectueuses de l’environnement.
Les outils juridiques et fiscaux pour favoriser une propriété foncière rurale équilibrée et durable
Afin de répondre aux enjeux de la propriété foncière en milieu rural, plusieurs dispositifs juridiques et fiscaux ont été mis en place pour encourager une répartition équilibrée et durable des terres agricoles et forestières. Parmi ces outils, on peut citer :
- Le contrôle des structures agricoles, qui permet au préfet d’autoriser ou non les mutations à titre onéreux (vente, échange) ou gratuit (donation, héritage) de terres agricoles en fonction de critères tels que l’âge du cédant ou du repreneur, la surface concernée ou l’impact sur l’emploi rural ;
- Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), qui ont pour mission de faciliter le renouvellement des générations d’agriculteurs, la diversification des productions, la préservation des ressources naturelles et la cohésion sociale des territoires ruraux. Elles disposent pour cela d’un droit de préemption sur les ventes de terres agricoles et peuvent les rétrocéder à des agriculteurs répondant à leurs objectifs ;
- Les dispositifs fiscaux incitatifs, tels que les exonérations ou allégements de droits de mutation (pour les donations ou successions de terres agricoles), de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) ou d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les propriétaires fonciers qui s’engagent dans des pratiques respectueuses de l’environnement (maintien de haies, mares, zones humides) ou qui facilitent l’installation de jeunes agriculteurs.
La nécessaire évolution du droit foncier rural face aux défis contemporains
Malgré ces dispositifs, des évolutions législatives et réglementaires sont encore nécessaires pour assurer une gestion durable et équilibrée de la propriété foncière en milieu rural. Parmi les pistes envisageables, on peut citer :
- Le renforcement du rôle des collectivités territoriales et des acteurs locaux (associations, coopératives) dans la gouvernance foncière, par exemple à travers la création de réserves foncières communales ou intercommunales destinées à favoriser l’installation d’agriculteurs sur des terres préservées de la spéculation ;
- L’encouragement des formes alternatives de propriété foncière, telles que les Groupements fonciers agricoles (GFA), les Sociétés civiles immobilières (SCI) ou les fondations environnementales, qui peuvent contribuer à limiter la concentration et la financiarisation du foncier rural et à faciliter la transmission des exploitations agricoles ;
- La prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques dans le droit foncier rural, notamment en introduisant des clauses environnementales dans les baux ruraux et en incitant les propriétaires fonciers à adopter des pratiques agroécologiques (agroforesterie, agriculture biologique, conservation des sols) pour préserver la qualité des terres et leur capacité à assurer la sécurité alimentaire des générations futures.
En somme, la question de la propriété foncière en milieu rural revêt une importance cruciale pour le développement économique, social et environnemental des territoires ruraux. Face aux défis actuels de concentration et de financiarisation du foncier agricole, il est essentiel de repenser les réglementations et les dispositifs d’accompagnement pour favoriser une gestion durable et équilibrée de la propriété foncière rurale, au service de l’intérêt général et du bien-être des populations.
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